- Par Abdelhakim Yamani
La récente initiative de médiation lancée par l’Algérie introduit dans les relations maghrébines ce qui pourrait s’apparenter à une « Pax Algeriana » : une paix instrumentalisée servant de couverture à une reconfiguration stratégique plus profonde.
Un contexte diplomatique sous pression
Le choix du timing et du profil du médiateur, une personnalité occidentale de premier plan, répond à des impératifs précis. Face aux pressions internationales croissantes, particulièrement américaines, Alger devait démontrer une posture d’ouverture. Cette initiative intervient stratégiquement dans un contexte d’isolement diplomatique accentué par la récente position française sur le Sahara.
L’annonce de l’ouverture d’un consulat français à Laâyoune, conjuguée à l’activation prochaine du consulat américain à Dakhla, accentue cette pression. Ces décisions des deux plus anciennes démocraties, membres permanents du Conseil de Sécurité, créent une dynamique internationale qui rend la position algérienne de plus en plus difficile à tenir ouvertement. C’est dans ce contexte que s’inscrit cette tentative de reconfiguration tactique.
Une offre calibrée
La transmission d’une « offre concrète » via le médiateur occidental semble avoir été méticuleusement configurée. Son architecture suggère une tentative de créer les conditions d’une nouvelle dynamique où l’implication algérienne, tout en restant effective, deviendrait moins traçable. Cette distanciation formelle vise à permettre une régénération du Polisario sous couvert du processus de paix, tout en préservant ses capacités d’action.
Le paradoxe révélateur de la communication
Pendant que la médiation suit son cours, les médias et réseaux sociaux proches du pouvoir algérien maintiennent une ligne éditoriale explicitement hostile. Les attaques contre le Roi Mohammed VI et la fabrication d’une prétendue « guerre de succession » au sein du Palais royal ne constituent pas une simple diversion. Cette virulence calculée, en pleine médiation, révèle au contraire la véritable nature de la manœuvre en cours.
Les signaux révélateurs
L’accueil en grande pompe du chef du Polisario à Alger, en plein processus de médiation, prend dans ce contexte une signification particulière. Cette mise en scène diplomatique constitue un message sans équivoque sur la pérennité des engagements algériens, malgré l’apparente ouverture diplomatique.
La dimension tactique
L’analyse approfondie de l’initiative de médiation dévoile une stratégie sophistiquée. Sous couvert d’ouverture diplomatique, elle vise à créer un écran protecteur derrière lequel le Polisario pourrait se réorganiser. La manœuvre permettrait d’établir une distance formelle entre Alger et son protégé, tout en préservant l’effectivité du soutien.
Les motivations profondes
La Pax Algeriana répond à une double nécessité : desserrer l’étau diplomatique international tout en préservant les moyens d’action traditionnels. Le pouvoir algérien cherche ainsi à modifier la forme sans altérer le fond de sa politique régionale.
Les implications structurelles
Cette stratégie ouvre la voie à une reconfiguration subtile des modes d’action. L’autonomisation apparente du Polisario masquerait une relation plus sophistiquée avec Alger. Le processus de paix servirait paradoxalement de cadre à cette évolution, complexifiant délibérément la lecture des responsabilités.
Une constante historique revisitée
Cette approche s’inscrit dans la continuité de la politique algérienne, tout en l’adaptant aux contraintes actuelles. La nouveauté réside dans la sophistication de la manœuvre, qui vise à concilier soutien effectif et dénégation plausible.
Perspectives
L’évolution de cette initiative exigera une lecture particulièrement attentive des développements à venir. Au-delà des apparences diplomatiques, c’est dans les transformations discrètes qu’il faudra chercher les indices de la véritable stratégie en cours. La Pax Algeriana apparaît ainsi comme une tentative d’innovation tactique visant à perpétuer une politique traditionnelle sous des formes renouvelées.
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