- Par Abdelhakim Yamani
La séquence diplomatique qui vient de s’achever au Conseil de sécurité révèle l’écart saisissant entre les ambitions affichées et la réalité du poids diplomatique de certains acteurs régionaux. Le score du vote – 12 voix favorables, 2 abstentions et une non-participation – raconte bien plus qu’une simple statistique onusienne.
En accédant au statut de membre non-permanent du Conseil de sécurité, Alger avait promis un « chamboulement radical » du dossier. Cette ambition démesurée s’est heurtée à la réalité d’une diplomatie internationale qui privilégie désormais le pragmatisme aux postures idéologiques héritées de la guerre froide.
L’isolement diplomatique se manifeste à plusieurs niveaux. Sur le plan africain d’abord, où plusieurs pays ont clairement soutenu la résolution, brisant ainsi le mythe d’une solidarité continentale sur ce dossier. Au niveau arabe ensuite, où aucun soutien significatif ne s’est manifesté, illustrant l’érosion de l’influence régionale. Même au sein du mouvement des non-alignés, traditionnelle zone d’influence, le silence est assourdissant.
La tentative d’instrumentalisation de la question des droits de l’homme s’est révélée particulièrement maladroite. Les amendements proposés, rejetés même par les alliés traditionnels, ont exposé au grand jour le décalage entre un discours moralisateur et une pratique nationale largement critiquée par les instances internationales.
Plus révélateur encore, l’abstention russe marque une rupture historique. Moscou, pourtant allié stratégique depuis l’époque soviétique, a préféré s’abstenir plutôt que de soutenir une position manifestement intenable. Cette défection d’un partenaire historique souligne l’ampleur de l’isolement.
L’épisode de la demande de consultations à huis clos, suivie d’un retrait précipité, illustre une diplomatie hésitante, prise entre des postures maximalistes et la conscience de leur inefficacité. Cette valse-hésitation a considérablement affaibli la crédibilité d’un pays qui se veut « leader régional ».
Le refus obstiné du format des tables rondes, pourtant validé par le Conseil de sécurité, trahit une incapacité à s’adapter aux évolutions du dossier. Cette rigidité diplomatique contraste singulièrement avec la souplesse nécessaire à toute puissance aspirant à un rôle régional majeur.
La non-participation au vote, fait rarissime dans les annales onusiennes, marque l’échec d’une stratégie d’intimidation qui ne fonctionne plus. Ce comportement, qualifié de « puéril » par certains diplomates, révèle les limites d’une influence largement surestimée.
L’isolement se manifeste également dans la sphère médiatique internationale. Les grands médias, qui autrefois relayaient complaisamment certaines positions, adoptent désormais une lecture plus nuancée, soulignant les contradictions et les incohérences de la posture algérienne.
La référence au « momentum » dans la résolution souligne cruellement l’isolement d’une diplomatie qui n’a pas su anticiper les évolutions géopolitiques majeures. Pendant que certains s’arc-boutent sur des positions obsolètes, la dynamique régionale et internationale avance inexorablement.
L’échec de la tentative de modification substantielle de la résolution révèle les limites d’une influence qui se réduit comme peau de chagrin. La prétention à remodeler les paramètres du dossier s’est heurtée à la réalité d’un consensus international de plus en plus affirmé.
Plus inquiétant encore pour Alger, cet isolement diplomatique risque d’avoir des répercussions sur d’autres dossiers régionaux. La perte de crédibilité sur le dossier saharien pourrait affecter sa capacité à peser sur les questions sahéliennes ou méditerranéennes.
Cette séquence diplomatique marque ainsi l’épuisement d’un modèle de diplomatie basé sur l’obstruction et la confrontation. Le contraste entre les ambitions affichées et les résultats obtenus questionne sérieusement la capacité de certains acteurs à peser réellement sur les grands dossiers régionaux.
Le « momentum » évoqué par la résolution semble désormais irréversible, laissant sur le bord du chemin ceux qui n’ont pas su ou voulu s’adapter aux nouvelles réalités géopolitiques. L’Histoire retiendra probablement cet épisode comme le moment où les prétentions de « puissance régionale » se sont fracassées sur le mur des réalités diplomatiques.
Dans ce contexte, la position marocaine, basée sur une approche pragmatique et développementale, gagne mécaniquement en crédibilité. Le contraste entre les deux approches n’a jamais été aussi saisissant.