- Par Abdelhakim Yamani
Il faut reconnaître au pouvoir algérien une qualité rare : sa capacité à nous surprendre, encore et toujours. Chaque fois que l’on pense qu’il a atteint les limites de l’absurde diplomatique, il parvient à repousser les frontières de l’irrationnel avec une créativité qui force presque l’admiration.
L’enlèvement spectaculaire de Boualem Sansal le 16 novembre dernier, orchestré avec un timing remarquable pendant la visite de la Sous-secrétaire d’État américaine aux Droits de l’homme, semblait déjà témoigner d’un certain art de l’auto-sabotage diplomatique. Dans cette chorégraphie de la provocation, le régime d’Alger démontre une fois de plus sa capacité à défier toute logique diplomatique conventionnelle.
Mais c’était sans compter sur la capacité d’innovation de la junte politico-militaire qui, face à l’échec patent de sa stratégie saharienne, a décidé d’ouvrir un nouveau front de déstabilisation avec l’organisation d’une « Journée nationale du Rif ». Une initiative qui démontre, si besoin était, que la créativité en matière d’hostilité n’a décidément pas de limites.
La mise en scène est presque parfaite dans son absurdité : on y retrouve les fidèles comparses sud-africains et mozambicains, ces derniers irréductibles soutiens du Polisario, venus apporter leur caution à une nouvelle tentative de démembrement territorial. Comme si recycler une stratégie qui a échoué pendant cinquante ans au Sahara allait miraculeusement fonctionner dans le Rif. La présence de ces alliés de circonstance, eux-mêmes en perte de vitesse sur la scène internationale, ajoute une touche de surréalisme à cette entreprise désespérée.
Cette fuite en avant survient alors même que le dossier saharien touche à sa fin. La présence de Jared Kushner et Ivanka Trump à Dakhla témoigne d’une réalité que l’aveuglement stratégique du duo Tebboune-Chengriha empêche de saisir : un message tout sauf implicite sur l’orientation du prochain mandat Trump. Le « presidential bill » en préparation, qui classerait le Polisario comme organisation terroriste, serait un coup de grâce qui semble avoir poussé Alger à redoubler d’inventivité dans sa quête d’isolement diplomatique.
Car il faut un certain talent pour parvenir à un tel degré d’isolation : qualifiée par Lavrov de « pays sans poids, sans influence, sans positions« , recalée des BRICS, voyant même l’Iran amorcer une normalisation avec Rabat, l’Algérie semble déterminée à collectionner les records en matière de solitude diplomatique. Cette nouvelle tentative de déstabilisation du Maroc, à quelques mois d’un sommet de la Ligue arabe dont le respect de l’intégrité territoriale est un principe fondateur, témoigne d’une remarquable constance dans l’auto-isolation.
Les avertissements du ministre marocain Nasser Bourita sur les risques d’une confrontation militaire prennent dans ce contexte une dimension particulièrement inquiétante. En tentant de reproduire au Rif le schéma qui a si brillamment échoué au Sahara, le régime algérien semble avoir élevé la politique de la terre brûlée au rang d’art. Cette obstination à reproduire les erreurs du passé, avec une persévérance qui confine à l’acharnement, pose question sur la rationalité des décideurs algériens.
L’ironie veut que cette radicalisation intervienne au moment même où l’échec de la stratégie sahraouie est consommé. Mais la junte algérienne, dans son obstination, semble imperméable aux signaux les plus évidents du changement géopolitique en cours. Cette cécité volontaire face aux mutations régionales et internationales traduit un enfermement idéologique qui pourrait s’avérer fatal pour les intérêts algériens à long terme.
La multiplication des provocations, loin de renforcer la position algérienne, ne fait qu’accentuer son isolement. Chaque nouvelle initiative hostile semble creuser un peu plus le fossé qui sépare Alger de la communauté internationale. Dans ce contexte, l’instrumentalisation de la question rifaine apparaît comme un nouveau pas vers l’abîme diplomatique.
En persistant dans cette voie de la déstabilisation régionale avec une détermination qui confine à l’acharnement, la junte algérienne semble avoir fait de son isolement international un objectif plutôt qu’une conséquence. Une performance qui mérite peut-être d’être saluée : il n’est pas donné à tout le monde de creuser aussi méthodiquement sous le fond qu’on pensait avoir atteint.