On ne sait s’il faut en rire ou en pleurer. Le nouveau gouvernement algérien, annoncé ce 18 novembre 2024, ressemble davantage à un inventaire à la Prévert qu’à un exécutif censé diriger un pays en crise. À la lecture des portefeuilles ministériels, on cherche presque un « ministère du bonheur et de la joie » ou un « ministère du Nif » tant la déconnexion avec la réalité est totale.
Pendant que les Algériens font la queue pour trouver du café, des lentilles ou des pneus, leur gouvernement s’offre le luxe de dédoubler le ministère du Commerce. Un pour l’intérieur – gérer les pénuries ? – et un autre pour l’extérieur – superviser les 94% d’exportations d’hydrocarbures ? La création d’un ministère de la « qualité de la vie » frise le cynisme dans un pays où les services de base se délitent. Quant au ministère de « l’économie de la connaissance« , on se demande s’il n’est pas né d’un générateur aléatoire de titres administratifs.
Plus révélateur encore est la nomination de Saïd Chanegriha comme ministre délégué à la Défense. Cette récompense pour services rendus lors de la réélection contestée de Tebboune illustre parfaitement les priorités du régime : satisfaire les ambitions personnelles plutôt que répondre aux défis stratégiques.
Le timing de cette mascarade administrative ne manque pas de sel. L’Algérie vient de perdre définitivement la bataille du Sahara occidental, avec un soutien international croissant au plan d’autonomie sous souveraineté marocaine. Le Maroc, dans une position de force inédite, peut même se permettre de refuser les tentatives de rapprochement algériennes, malgré la médiation de Macron. Et pendant que les rumeurs d’un possible conflit armé s’intensifient, Alger répond par… un ministère de la « qualité de la vie ».
À Rabat, on doit observer cette auto-destruction institutionnelle avec un mélange d’incrédulité et d’amusement. Le Maroc n’a même plus besoin d’agir : son principal adversaire s’autodétruit méthodiquement, nomination après nomination, ministère fantaisiste après ministère fantaisiste.
L’horizon s’assombrit encore avec le retour probable de Trump à la Maison Blanche. La promesse de relance massive du gaz de schiste américain menace directement la principale – et quasi unique – source de devises de l’Algérie. Face à ce tsunami qui s’annonce, le régime répond par une inflation bureaucratique qui confine à l’absurde.
Ce gouvernement de l’incohérence n’est plus seulement le symptôme d’un régime en perdition, il en devient la caricature. Dans ce naufrage administratif, seuls manquent peut-être ces fameux ministères du « bonheur » et du « Nif » pour achever de transformer ce qui se voulait un gouvernement en une anthologie définitive de l’absurde bureaucratique.
À l’heure où l’Algérie aurait besoin d’une vision claire et d’une gestion rigoureuse, elle obtient un catalogue ministériel qui relève plus du théâtre de l’absurde que de l’administration d’État. Le principal adversaire de l’Algérie n’est décidément plus le Maroc : c’est ce régime qui semble avoir définitivement perdu contact avec la réalité.