ANALYSE
Par Abdelhakim Yamani
L’initiative de médiation proposée par l’Algérie, confiée au président Emmanuel Macron et transmise lors de sa récente visite d’État au Maroc, mérite une analyse approfondie qui dépasse sa présentation diplomatique séduisante. Derrière l’apparente concession majeure se cache une manœuvre d’une rare sophistication, conjuguant enjeux humanitaires et risques sécuritaires.
L’offre apparente
La proposition algérienne semble, à première vue, constituer une avancée significative : le démantèlement des camps de Tindouf et le déplacement de leur population vers la zone tampon à l’Est du mur de défense marocain. Cette initiative pourrait être interprétée comme un désengagement algérien du conflit, une forme de concession majeure dans le dossier du Sahara.
La réalité dangereuse
Cependant, l’analyse détaillée de cette proposition révèle une manœuvre autrement plus complexe. Le déplacement de populations civiles vers la zone tampon créerait une situation humanitaire explosive aux portes directes du Maroc. Cette configuration permettrait au Polisario d’utiliser ces populations comme boucliers humains tout en maintenant une capacité d’action militaire, avec l’avantage pour l’Algérie de pouvoir nier toute implication directe.
La dimension militaire critique
La configuration géographique proposée est particulièrement révélatrice des intentions réelles. Le Polisario se verrait attribuer une bande de terre d’une largeur variant de 5 à 30 kilomètres le long du mur de défense marocain. Cette disposition permettrait non seulement une liberté de mouvement latérale le long du Berd, mais offrirait surtout des opportunités tactiques inquiétantes.
Plus préoccupant encore, les miliciens du Polisario ont bénéficié d’une formation spécifique auprès des Gardiens de la révolution iranienne, particulièrement dans le domaine du creusement de tunnels. Cette expertise pourrait leur permettre de développer un réseau souterrain prenant à revers les lignes de défense des FAR, créant une menace permanente et difficilement détectable.
Le choix troublant du médiateur
Le choix de la France, et particulièrement d’Emmanuel Macron, comme médiateur soulève des questions légitimes. Pourquoi solliciter une puissance qui vient de reconnaître officiellement la souveraineté marocaine sur le Sahara ? La réponse pourrait résider dans une possible collusion d’intérêts.
La stratégie française en question
Pour la France, maintenir un « conflit gelé » – selon l’expression de François Hollande – présenterait des avantages stratégiques. Après avoir signé un partenariat exceptionnel renforcé avec le Maroc, Paris pourrait chercher à préserver un levier de pression. Cette médiation offrirait l’opportunité de redevenir un acteur central du dossier, tout en maintenant une position ambiguë caractéristique de sa politique du « en même temps » au Maghreb.
Une stratégie à double détente
L’offre algérienne vise plusieurs objectifs simultanés :
– Affaiblir la position diplomatique marocaine en se présentant comme force de proposition
– Créer une nouvelle configuration militaire dangereuse sur le terrain
– Installer une menace permanente le long du mur de défense
– Multiplier les points de vulnérabilité des positions marocaines
Les objectifs réels
Au-delà des apparences diplomatiques, cette initiative vise à :
– Permettre une régénération militaire du Polisario sous une forme plus dangereuse
– Créer une menace militaire permanente masquée par une façade humanitaire
– Dégager la responsabilité algérienne tout en maintenant la pression
– Relancer l’internationalisation du conflit sous un nouveau format
En définitive, l’offre algérienne apparaît ainsi comme une manœuvre sophistiquée, conjuguant habilement dimensions humanitaire, diplomatique et militaire. La présence française dans l’équation ajoute une couche supplémentaire de complexité à un dispositif déjà élaboré. Face à ce qui s’apparente à un véritable cheval de Troie diplomatique et militaire, la plus grande vigilance s’impose.
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