ÉDITORIAL
Par Abdelhakim Yamani
En décembre 2020, la diplomatie algérienne balayait d’un revers de main le tweet de Donald Trump reconnaissant la souveraineté marocaine sur le Sahara. « Ce n’est qu’un tweet« , répétait-on alors à Alger, même après sa formalisation par décret présidentiel. Quatre ans plus tard, Trump revient aux affaires, fort d’une majorité absolue au Congrès. Et ce fameux tweet, loin d’être oublié, s’apprête à retrouver toute sa force exécutive.
Le retour de Trump à la Maison Blanche n’est pas une simple alternance politique. Pour Alger, c’est le retour du cauchemar diplomatique. L’homme qui avait bouleversé les équilibres régionaux d’un tweet revient, cette fois sans la contrainte d’une réélection future et avec les coudées franches au Congrès. Sa doctrine sur le Sahara, moquée hier par Alger, risque de s’imposer avec une vigueur renouvelée.
Cette nouvelle donne intervient dans un contexte déjà catastrophique pour la diplomatie algérienne. Le soutien français explicite de la marocanité du Sahara, les menaces à peine voilées de l’Iran via l’agence IRNA, suivies de l’absence remarquée des dignitaires iraniens aux célébrations du 70ème anniversaire de sa révolution, dessinent les contours d’un isolement croissant.
Le retour de Trump pourrait accélérer un effet domino que la diplomatie algérienne redoute depuis longtemps. Fort de son expérience passée et libéré des contraintes électorales, le nouveau président pourrait donner à sa doctrine sur le Sahara une ampleur nouvelle, encourageant d’autres pays à suivre la voie ouverte par son fameux tweet.
L’ironie de l’histoire veut que ce tweet tant moqué par Alger soit devenu l’instrument de sa prophétie. La « real politik » trumpienne, qualifiée hier d’impulsive par ses détracteurs, démontre aujourd’hui une cohérence qui transforme durablement la géopolitique régionale.
Pour Alger, l’heure n’est plus au déni mais aux choix cruciaux. La stratégie qui consistait à attendre un changement de politique américaine s’est avérée désastreuse. Trump revient, et avec lui sa vision du règlement du conflit du Sahara. Ce qui n’était « qu’un tweet » en 2020 s’impose en 2024 comme une doctrine présidentielle américaine appelée à redessiner durablement la carte du Maghreb.
Les réactions officielles au retour de Trump sont d’ailleurs révélatrices. Tandis que le Roi Mohammed VI adresse rapidement un message de félicitations au président élu, soulignant que la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara a constitué « un jalon et un moment charnière » reflétant la profondeur d’une « relation spéciale et séculaire », la présidence algérienne garde un silence assourdissant. Ce contraste entre l’assurance marocaine et le mutisme algérien en dit long sur les implications régionales du retour de Trump aux affaires.
Le message royal, rappelant que les relations bilatérales avaient « atteint un niveau sans précédent » lors du précédent mandat de Trump, souligne la continuité attendue dans le partenariat américano-marocain. Face à cette alliance renforcée, le silence d’Alger ressemble moins à de la réserve diplomatique qu’à la confirmation d’une inquiétude profonde quant aux développements à venir.
Le message est clair : dans la diplomatie moderne, un tweet présidentiel peut avoir plus de poids qu’une décennie de rhétorique traditionnelle. Une leçon qu’Alger apprend à ses dépens, alors que le retour de Trump marque le début d’une nouvelle saison dans la série déjà mouvementée des relations maghrébines.
*© IGH 2024 – Institut Géopolitique Horizons*