ANALYSE
Médiation algérienne : les actes contredisent les mots
Par Abdelhakim Yamani
L’initiative de médiation lancée par l’Algérie auprès du Maroc, via une personnalité occidentale de haut rang, comporte une offre particulièrement audacieuse concernant l’avenir du Polisario. Selon une source de premier plan proche du dossier, cette proposition constitue une concession majeure sur le statut du mouvement séparatiste. L’information, confirmée au plus haut niveau, marque une inflexion significative de la position algérienne.
Selon cette même source, l’offre a été formellement transmise au médiateur il y a un certain temps. Pourtant, l’observation attentive des développements récents jette un doute sérieux sur la sincérité de cette démarche. Aucun signal concret, aucun geste tangible n’est venu étayer ou confirmer cette supposée inflexion de la position algérienne vis-à-vis du mouvement séparatiste qu’elle soutient depuis près d’un demi-siècle.
Plus troublant encore, la réception en grande pompe du chef du Polisario par le président Tebboune, à l’occasion de la commémoration du 70ème anniversaire du soulèvement algérien contre la France, semble délibérément contredire l’esprit même de l’offre transmise au médiateur. Cette mise en scène protocolaire, loin d’être fortuite, envoie un message sans ambiguïté sur la pérennité du soutien algérien au Polisario.
La solennité de l’accueil réservé à Brahim Ghali, dans le cadre d’une célébration aussi symbolique pour l’Algérie, revêt une signification particulière. Elle suggère une volonté de réaffirmer, de manière ostensible, la continuité d’une politique que l’offre de médiation prétend pourtant vouloir infléchir.
Cette contradiction flagrante entre les propositions diplomatiques et les actes publics pose question sur la véritable nature de l’initiative de médiation. La junte politico-militaire algérienne semble ainsi adresser deux messages diamétralement opposés : l’un au médiateur international, l’autre à son protégé et à sa propre opinion publique.
Un geste authentique de bonne volonté aurait pu prendre une forme bien différente. À l’occasion de ces célébrations du 1er novembre 1954, Alger aurait pu choisir de reconnaître et d’honorer la mémoire des nombreux Marocains tombés pour l’indépendance algérienne. Un tel geste aurait constitué un signal autrement plus crédible de la volonté algérienne de tourner une page de l’histoire régionale.
Cette dissonance entre paroles et actes s’inscrit dans une constante de la diplomatie algérienne. Elle rappelle la nécessité d’une lecture attentive des signaux contradictoires émis par Alger, où les gestes publics démentent souvent les intentions affichées dans les canaux diplomatiques.
La réception du chef du Polisario, au moment même où une offre sensible le concernant est en cours d’examen, illustre les limites de l’exercice diplomatique en cours. Elle souligne la difficulté, voire la réticence, du pouvoir algérien à envisager une véritable évolution de sa position sur ce dossier central des relations bilatérales.
Ces contradictions posent fondamentalement la question de la sincérité de l’offre algérienne. La médiation demandée ne semble plus être une véritable offre de mettre fin au conflit non déclaré entre les deux pays. Elle apparaît de plus en plus comme la volonté d’Alger de trouver une ouverture qui permette de donner à ce dossier à l’agonie une seconde vie et de le faire perdurer.
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