lundi 9 décembre 2024
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De Valence à Amsterdam : les deux visages d’une communauté

Par Abdelhakim Yamani 


La sagesse d’Al Hajaj Ibn Youssef Atthaqafi résonne aujourd’hui avec une pertinence particulière : « Ne vous méprenez pas sur la patience des Marocains, ne sous-estimez pas leur force. Car lorsqu’ils se lèvent pour soutenir quelqu’un, ils ne le quittent pas avant d’avoir placé une couronne sur sa tête, et lorsqu’ils se dressent contre quelqu’un, ils ne le quittent pas avant d’avoir coupé sa tête. »

Cette observation historique trouve aujourd’hui un écho saisissant dans deux événements qui illustrent parfaitement la dualité de la force collective marocaine. À Valence, en Espagne, nous avons été témoins d’une mobilisation exemplaire de la communauté marocaine face aux inondations dévastatrices qui ont frappé la région. En quelques heures à peine, des centaines de bénévoles marocains se sont déployés dans les zones sinistrées, organisant spontanément des centres de collecte, coordonnant la distribution de nourriture, de vêtements et de produits de première nécessité. Les commerçants marocains ont ouvert leurs portes aux victimes, transformant leurs établissements en refuges improvisés. Cette mobilisation massive et efficace a forcé l’admiration des autorités espagnoles, démontrant la capacité remarquable de la communauté marocaine à se structurer rapidement pour venir en aide à ceux qui en ont besoin.

À Amsterdam, un autre aspect de cette force collective s’est manifesté dans un contexte radicalement différent. Lors d’un match de football, des supporters du Maccabi Tel Aviv ont délibérément provoqué la communauté marocaine avec des gestes et des chants à caractère politique. La réaction qui s’en est suivie, bien que regrettable dans sa forme, était prévisible face à ces provocations calculées. Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est la réponse disproportionnée qui a suivi : des appels publics, relayés notamment sur la chaîne de télévision israélienne Channel 14, pour que le Mossad « traque » et « punisse » les Marocains impliqués, jusque sur le sol néerlandais. Cette médiatisation sur une chaîne nationale israélienne confère à ces menaces un caractère quasi-officiel particulièrement inquiétant.

Ces appels à une vengeance institutionnelle, loin d’être de simples déclarations isolées sur les réseaux sociaux, prennent une dimension autrement plus grave lorsqu’ils sont diffusés sur des médias mainstream nationaux. Utiliser les services de renseignement d’un État pour des représailles contre des civils sur le sol d’un pays tiers constituerait non seulement une violation flagrante du droit international, mais représenterait surtout une dangereuse escalade aux conséquences imprévisibles. L’histoire nous enseigne que les tentatives de répression ou d’intimidation contre la communauté marocaine n’ont jamais eu l’effet escompté. Au contraire, elles n’ont fait que renforcer sa cohésion et sa détermination.

La dynamique est simple à comprendre : on ne peut pas délibérément provoquer une communauté, puis crier à l’injustice lorsque celle-ci réagit, pour enfin réclamer des représailles institutionnelles. Cette logique perverse ne peut mener qu’à une spirale de violence où chaque action appellerait une réaction plus forte. La communauté marocaine, importante et bien implantée à travers l’Europe et le monde, dispose d’une capacité de mobilisation qui, comme nous l’avons vu à Valence, peut être extraordinairement constructive. Cette même force de mobilisation peut aussi, si elle est poussée dans ses retranchements, se transformer en une résistance collective dont l’histoire a maintes fois prouvé l’efficacité.

Un aspect crucial à considérer est la dimension transnationale de toute action contre la communauté marocaine des Pays-Bas. D’éventuelles représailles ne resteraient pas circonscrites au territoire néerlandais. Les liens profonds qui unissent les Marocains de la diaspora à leur pays d’origine impliquent que toute action punitive aurait des répercussions immédiates au Maroc même. Les conséquences sociales et politiques seraient inévitables, créant potentiellement des tensions diplomatiques et sociétales dont l’ampleur serait difficilement maîtrisable.

Les événements de Valence et d’Amsterdam nous offrent deux lectures de la même réalité sociologique : la force collective des Marocains peut se manifester aussi bien dans la solidarité que dans la résistance. L’utilisation d’une agence de renseignement étatique pour des représailles contre des civils ne ferait qu’activer les mécanismes de solidarité et de résistance collective, créant potentiellement une situation où chaque action punitive engendrerait une réaction communautaire plus forte, dans une escalade sans fin.

La sagesse commande de reconnaître que le respect mutuel et le dialogue sont les seules voies viables. Les provocations délibérées, suivies de menaces de représailles institutionnelles, ne peuvent mener qu’à une détérioration dangereuse des relations intercommunautaires. L’exemple de Valence montre que la communauté marocaine est capable d’apporter une contribution précieuse à la société lorsqu’elle est respectée et valorisée. C’est dans cette direction qu’il faut avancer, plutôt que dans celle de l’escalade et de la confrontation.

En fin de compte, la citation d’Al Hajaj n’est pas une menace, mais un constat sociologique qui traverse les siècles : la force collective des Marocains est une réalité qui peut s’exprimer de manière constructive ou défensive, selon la façon dont elle est approchée. Dans le contexte actuel, toute tentative d’utiliser des moyens étatiques pour « punir » une communauté ne ferait qu’ouvrir la boîte de Pandore d’un cycle de violences dont personne ne sortirait gagnant.

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