ANALYSE
Par Abdelhakim Yamani
La récente demande algérienne de coopération avec l’OTAN pour sécuriser ses installations énergétiques constitue un paradoxe saisissant. Le régime algérien, qui a fait de la souveraineté nationale non seulement un leitmotiv mais une véritable litanie de sa politique, sollicite aujourd’hui la protection de l’Alliance atlantique pour ses infrastructures stratégiques. Ce revirement spectaculaire mérite une analyse approfondie, particulièrement dans le contexte géopolitique actuel.
Un isolement diplomatique croissant
Le contexte dans lequel intervient cette demande est celui d’un isolement diplomatique sans précédent de l’Algérie. La reconnaissance française de la marocanité du Sahara, suivie de l’annonce de l’ouverture d’un consulat à Laâyoune, a porté un coup sévère aux positions algériennes. Les tensions avec l’Espagne persistent, et même les relations avec des partenaires traditionnels comme l’Italie se sont refroidies.
La fragilisation de l’alliance russe
Plus préoccupant encore pour Alger est l’affaiblissement de son partenariat stratégique avec la Russie. Principal fournisseur d’armement de l’Algérie, Moscou, enlisé dans le conflit ukrainien, montre des signes d’essoufflement dans sa capacité à maintenir ses engagements militaires internationaux. Cette situation pose la question cruciale du renouvellement et de la maintenance du matériel militaire algérien, majoritairement d’origine russe.
Une préparation financière méthodique
Depuis 2019, l’Algérie a constitué un important matelas de réserves de change. Cette accumulation de liquidités, présentée comme une prudence macro-économique, prend une autre dimension dans l’hypothèse d’une préparation au conflit. En cas de guerre, ces réserves permettraient de maintenir les importations essentielles et de faire face à d’éventuelles sanctions internationales.
Le volet militaire
L’augmentation spectaculaire du budget militaire – de 18 milliards de dollars en 2023 à 25 milliards prévus pour 2025 – s’accompagne d’une diversification des fournisseurs d’armement. Cette évolution pourrait traduire une volonté d’anticipation des difficultés d’approvisionnement en cas de conflit.
La demande à l’OTAN : une manœuvre sophistiquée
Dans ce contexte, la sollicitation de l’OTAN apparaît comme une pièce d’un puzzle plus large. Elle viserait à :
1. Sanctuariser préventivement les installations stratégiques
2. Se ménager un canal de communication avec l’Occident
3. Réduire la dépendance vis-à-vis de la Russie
4. Créer une forme de protection internationale en cas de conflit
Les déclarations de Bourita : une lecture confirmée
Les propos du ministre marocain des Affaires étrangères ce 8 novembre, évoquant des « indicateurs attestant de la volonté de l’Algérie de déclencher une guerre« , prennent une résonance particulière à la lumière de ces éléments. La convergence entre préparation financière, renforcement militaire et recherche de garanties internationales dessine les contours d’une stratégie cohérente de préparation au conflit.
L’hypothèse d’une stratégie globale
L’ensemble de ces éléments suggère l’existence d’une stratégie algérienne méthodique visant à :
1. Sécuriser les moyens financiers nécessaires
2. Diversifier les partenariats militaires
3. Protéger les infrastructures critiques
4. Se ménager des soutiens internationaux
Le facteur temps
La rapidité avec laquelle ces différentes initiatives sont menées – accumulation de réserves, augmentation du budget militaire, approche de l’OTAN – pourrait indiquer une certaine urgence ressentie par Alger. Cette précipitation fait écho aux propos tenus en 2021 par une source militaire algérienne au journal L’Opinion sur la nécessité d’agir avant que le rapport de force ne s’inverse.
La demande de protection de l’OTAN, en apparente contradiction avec la posture souverainiste traditionnelle de l’Algérie, s’inscrit dans une stratégie plus large de préparation à un possible conflit. L’analyse des différents volets – diplomatique, militaire, financier et sécuritaire – révèle une cohérence inquiétante qui donne du crédit aux avertissements marocains.
La rapidité et l’ampleur des préparatifs algériens suggèrent que le régime considère l’option militaire comme une possibilité concrète à court ou moyen terme. Face à ses échecs diplomatiques et à l’affaiblissement de ses alliances traditionnelles, Alger semble se préparer méthodiquement à une confrontation qu’elle pourrait considérer comme inévitable.
*© IGH 2024 – Institut Géopolitique Horizons*