Le recensement général de la population et de l’habitat du Maroc, prévu du 1er au 30 septembre 2024, s’inscrit dans un contexte géopolitique particulièrement tendu, marqué par l’absence totale de relations diplomatiques et économiques entre le Maroc et l’Algérie.
Cette opération démographique, en apparence routinière, cristallise les tensions latentes entre les deux pays, dont les frontières terrestres sont fermées depuis 1994, révélant les enjeux complexes de souveraineté territoriale et d’influence régionale dans un Maghreb profondément divisé.
L’absence de canaux diplomatiques officiels entre Rabat et Alger confère à ce recensement une importance stratégique accrue.
Dans un contexte où le dialogue direct est inexistant, chaque action unilatérale, y compris une opération statistique nationale, peut être interprétée comme un message géopolitique.
Le recensement marocain devient ainsi un proxy pour des discussions qui ne peuvent avoir lieu sur la scène diplomatique traditionnelle.
Au cœur de cette problématique persiste la question sensible du Sahara occidental. L’inclusion de ce territoire dans le recensement marocain, dans un contexte d’absence totale de négociations bilatérales, pourrait être perçue par Alger comme une provocation directe et une tentative de Rabat de consolider sa souveraineté de facto sur cette zone contestée.
Cette démarche risque d’exacerber les tensions, l’Algérie étant un soutien historique du Front Polisario et un défenseur du droit à l’autodétermination.
Les zones frontalières entre le Maroc et l’Algérie, fermées depuis près de trois décennies, constituent un autre point focal de cette opération.
Les données recueillies sur la démographie et l’activité économique dans ces régions pourraient avoir des implications significatives sur les politiques de développement territorial et les stratégies de sécurité nationale des deux pays.
La cartographie précise des populations transfrontalières, dans un contexte où les échanges officiels sont inexistants, pourrait alimenter des spéculations sur les mouvements migratoires clandestins et les enjeux sécuritaires associés.
Sur le plan de la géopolitique régionale, les résultats du recensement pourraient servir le Maroc pour renforcer sa position en tant que puissance démographique et économique du Maghreb, en l’absence de données comparables côté algérien.
Cette stratégie de soft power pourrait influencer les alignements diplomatiques dans la région, non seulement auprès de pays comme la Mauritanie et la Tunisie, mais aussi vis-à-vis des pays sahéliens tels que le Mali, le Niger et le Sénégal. Ces derniers, sources principales des flux migratoires vers le Maghreb et l’Europe, représentent un enjeu stratégique majeur.
Les résultats du recensement pourraient potentiellement affecter l’équilibre des alliances régionales dans un contexte où le dialogue inter-maghrébin est au point mort et où la gestion des migrations devient un levier diplomatique important.
L’opération soulève également des questions sur la gestion des ressources naturelles et le développement économique dans un environnement régional non coopératif. Les données démographiques détaillées pourraient justifier de nouveaux investissements dans certaines régions, renforçant ainsi l’emprise territoriale du Maroc sur des zones parfois contestées.
Cela pourrait avoir des répercussions sur les dynamiques économiques transfrontalières et la répartition des ressources dans la région, malgré l’absence d’échanges commerciaux officiels entre les deux pays.
Du point de vue de la sécurité régionale, le recensement pourrait fournir des informations cruciales sur les mouvements de population, un enjeu majeur dans le contexte de la lutte contre le terrorisme transfrontalier et la gestion des flux migratoires.